La Révolution de 1848

Après quelques mots sur la Noblesse, la Monarchie de Juillet, restons aux alentours de l’Assemblée Nationale pour évoquer la Révolution de 1848 et la courte Deuxième République. J’ai déjà rapidement évoqué, grâce à cette frise succincte mais intéressante de la fin de cet article, les différents régimes politiques qui se sont succédé au cours du 19ème siècle : monarchies restauratrices, empires, républiques, entrecoupés de soulèvements révolutionnaires et de coups d’états répressifs, soulignant que la démocratie ne s’est pas faite en un jour.

Eric Hazan rappelle, dans L’invention de Paris, combien le 19ème siècle fut celui des barricades, violentes et sanglantes. Je le cite : “Au cours du demi-siècle qui s’écoule entre les barricades nocturnes et anonymes de novembre 1827 et les soixante-dix journées solaires de la Commune, la liste des manifestations, émeutes, coups de main, soulèvements, insurrections de Paris est si longue qu’aucune autre capitale ne peut en revendiquer de semblable. Leur géographie, leur répartition entre les quartiers parisiens, est un reflet de la révolution industrielle, de la relation nouvelle entre patrons et ouvriers, de la migration centrifuge de la population laborieuse et dangereuse, de l’évolution des grands travaux, de l’”embellissement stratégique” de la ville. Ce sont les mêmes noms de rues et de quartiers qui reviennent sans cesse tout au long du siècle, mais on voit néanmoins le centre de gravité de Paris rouge se déplacer lentement vers le nord et l’est, avec des cassures et des accélérations qui impriment sur le plan de la ville la marque d’une vieille notion aujourd’hui bien mal vue, la lutte des classes” (p.319 de “L’invention de Paris”, collection Points).

C’est curieux et intéressant de constater que cette division est/ouest, gauche/droite perdure toujours, notamment sur la carte électorale de Paris.

Mais revenons au passé : je ne suis pas historienne et ne me sens pas légitime pour retracer avec pertinence ce 19ème siècle résolument compliqué. Mais, avec l’aide de plusieurs fiches Wikipedia, je rappellerai juste les principales étapes du droit de vote en France :

– La constitution de 1793 prévoyait le suffrage universel, seulement masculin (mais Olympe de Gouge demandait aussi le vote féminin), mais elle ne fut jamais vraiment appliquée, ni pendant la suite des années révolutionnaires, et encore moins sous Napoléon 1er.

– Puis la Restauration (monarchique – Louis XVIII, puis Charles X, de 1814 à 1830) et la Monarchie de Juillet (Louis-Philippe, de 1830 à 1848) rétablirent le suffrage censitaire, c’est-à-dire un droit de vote réservé à un corps électoral qui payait le cens, un impôt sur les revenus (excluant plus d’un tiers de la population).

– C’est à la suite des journées révolutionnaires de février 1848 que le suffrage direct et universel est enfin mis en place, seulement masculin toujours. On doit aussi à la Révolution de 1848 l’abolition définitive de l’esclavage, j’en ai parlé dans cet article. Mais c’est sans compter sur le coup d’état de Napoléon III qui va rester au pouvoir pendant 22 ans. Il y aura cependant des élections législatives pendant son règne.

– Après des débuts hésitants (lorgnant notamment sur le rétablissement de la Monarchie), la longue 3ème République (1870-1940) consolide le droit de vote. En 1877, la participation est de 80% ! et les Républicains redeviennent majoritaires.

– Et il faudra attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que les femmes puissent enfin voter.

Dans sa belle introduction du roman dans l’édition Quarto-Gallimard, Judith Lyon-Caen souligne combien Les Mystères de Paris d’Eugène Sue “nous propose une aventure qui n’est pas seulement littéraire, mais proprement historique. Les digressions des “Mystères de Paris” sont autant des vestiges d’un contexte qui n’est plus, celui de la découverte horrifiée du paupérisme et des premiers grands débats du XIXe siècle sur les questions sociales. (…) “Les Mystères de Paris” proposent à leurs lecteurs une pédagogie de l’actualité en rendant sensibles et vivantes les grandes questions sociales de l’heure. (…) Les autorités du Second Empire tiennent le roman pour l’un des principaux responsables des troubles de 1848”.

Alors voilà, c’est pourquoi aussi j’aime bien Eugène Sue et son engagement peu à peu vers le socialisme ; c’est pourquoi j’aime ce 19ème siècle frondeur, et tant d’écrivains de cette époque qui s’impliquèrent politiquement (plus ou moins) à gauche : Lamartine, Dumas, Sand, Baudelaire, Hugo, Vallès, Zola…

On doit aussi à cette période tout un tas de boulevards ou de stations de métro qui sont tout autant de grands noms des luttes socialistes de cette époque : Ledru-Rolin, Raspail, Blanqui, les frères Arago, Louis-Blanc, Barbès, Jules Joffrin… (la plupart de ces nomenclatures de rues sont dues à l’inflexion réformiste des années 1880 – comme je l’avais étudié dans cet article. Normalement, je ne mets pas de liens vers les articles en amont, mais là, on est loin des articles du début où celui-ci aurait pu figurer, d’ailleurs).

La Révolution de février 1848 tourna hélas assez rapidement court : Après de multiples rebondissements politiques, dont une insurrection ouvrière qui aboutira aux sanglantes journées de juin 1848, Louis-Napoléon Bonaparte (Napoléon III), pourtant élu démocratiquement, décida de conserver le pouvoir lors du coup d’État du 2 décembre 1851, ce qui obligera bien des Républicains, dont Victor Hugo et Eugène Sue, à s’exiler, ce dont j’ai déjà parlé pas mal de fois !

Crédits photographiques : On trouve au Musée Carnavalet ce daguerréotype émouvant de barricades des journées de juin 1848, rue Saint-Maur (photo VP). Libération en fit un papier intéressant.

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