Lu pour vous : « Les Misères des Enfants Trouvés »

(Cet article est le premier publié sur FB, en décembre 2023) Les éditions Les Équateurs ont eu la bonne idée de sortir, en novembre 2023, Les Misères des Enfants Trouvés d’Eugène Sue, en quatre tomes aux jolies couvertures, à 15 euros le volume (ce qui fait l’ensemble un peu chérot, quand même, mais on trouve l’oeuvre gratuitement, comme toute oeuvre tombée dans le domaine public, soit 70 ans après la mort de l’auteur, en Ebook ou sur Gallica/BnF).

Ce roman feuilleton, publié initialement dans le journal “Le Constitutionnel” comme quasiment tous les romans de l’époque comme vous le savez désormais, date de 1846/47. Il fait suite aux gigantesques succès des Mystères de Paris et du roman suivant d’Eugène Sue, Le Juif Errant. Moins couronné de succès, le roman ne sortira en volumes qu’en 1851.

Curieuse de ce livre que je ne connaissais pas et intéressée par ce thème de l’enfance malheureuse, déjà en germe dans Les Mystères de Paris (on en parlera ici), j’ai donc lu ce livre avec enthousiasme.

Les deux premiers tomes notamment m’ont rappelé le grand plaisir que j’ai eu à découvrir Les Mystères de Paris.

Les Misères des Enfants Trouvés, se situent plutôt, en tout cas au début, à la campagne, en Sologne, terre misérable à l’époque, mais on y trouve la même profusion baroque de personnages formidables dont les destins se croisent sans cesse.
Certes, Eugène Sue a bien trop souvent recours aux hasards dans l’histoire qu’il déroule ; quant à la structure du livre, elle est plus négligée que dans Les Mystères de Paris : ce sont surtout des histoires à tiroir, enchâssées les unes dans les autres, sortes de « surgeons » de l’histoire principale, selon l’expression utilisé dans ce passionnant article de Roger Musnik pour Gallica/BnF. Mais on tremble toujours à l’apparition de redoutables méchants et on suit les nombreux rebondissements et effets de suspens avec délectation. Et Eugène Sue n’y va pas de main morte !
Par ailleurs, de plus en plus inspiré par les idées socialistes, de moins en moins catholique, l’auteur s’implique sincèrement et touche, y compris avec sa fin très fouriériste (pour en savoir plus, bientôt cet article). En revanche, le personnage principal de Martin lasse peu à peu avec son esprit moraliste. Il faut parfois faire un peu de lecture rapide !

La thématique des enfants trouvés et/ou enfants martyrisés émeut et informe (lire aussi la belle préface de Paule Pétitier dans cette édition des Équateurs). Cette thématique, quasi inédite en France mais sans doute influencée par Charles Dickens (« Oliver Twist »…) qu’Eugène Sue appréciait, fera école dans dans nombreux récits de la fin du 19ème siècle (Hector Malot, Jules Vallès, Jules Renard, Alphonse Daudet…) et jusqu’au milieu du 20ème siècle (Hervé Bazin, Gilbert Cesbron…).

Comme dans Les Mystères de Paris, Eugène Sue dépeint les riches parvenus avec verve et ironie. Il les met en scène frontalement, comme dans un petit théâtre des apparences, ou s’en moque via de croustillantes scènes chez leurs serviteurs. C’est d’autant plus courageux de sa part que, dandy mondain dans sa jeunesse, Eugène Sue connait assez bien le milieu aristocratique

Seules quelques jeunes femmes nobles échappent à ses moqueries. Le “Beau Sue” (un de ses surnoms) écrit comme il aime, et c’est cela qu’on aime à notre tour dans cet auteur !

Crédits photographiques : Les 4 jolies couvertures du roman-feuilleton aux Équateurs

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