L’Île de la Cité : le « Lapin Blanc »

Dans le premier chapitre du livre comme dans l’épisode 1 de la série, Rodolphe de Gerolstein, le héros, se rend dans un “tapis franc” (un bar louche, dirait-on aujourd’hui) qu’Eugène Sue nomme “Le Lapin Blanc” et qu’il situe rue aux Fèves (rue détruite en 1865, comme on l’a vu dans l’article précédent), sur l’île de la Cité. C’est là qu’il rencontre plusieurs personnages importants du livre, futurs adjuvants ou opposants : Fleur de Marie et Le Chourineur, puis le Maître d’École et la Chouette, enfin Sarah Mac Gregor (et son frère, Thomas Seyton, personnage que nous n’avons pas retenu dans l’adaptation, comme déjà raconté).

En 1840, l’île de la Cité était très différente de celle que nous connaissons.
Le « Lapin Blanc » est une invention d’Eugène Sue, même s’il devait exister plusieurs bouges du même genre ; en revanche, il existait bien, comme le montre le plan de Girard de 1840, une rue aux Fèves, qui sera détruite lors des grands travaux d’Haussmann.

L’édition Charles Gosselin proposait une belle gravure pleine page du « Lapin Blanc » avec nos protagonistes attablés et l’Ogresse derrière son comptoir, ainsi que quelques types patibulaires mais presque.

Au cours de nos recherches préparatoires, nous avions également repéré d’autres gravures du « Lapin Blanc », et notamment une sorte de contre-champ sur la porte, bien pratique pour notre mise en scène afin de faire pénétrer tous nos personnages. (On reconnaitra ces deux gravures amplement retravaillées dans les épisodes 1 et 2 de notre série).

Là où l’histoire devient curieuse et intéressante c’est que cette gravure “côté porte” est ultérieure à la publication des Mystères de Paris. Elle a été réalisée en 1862, pour le journal “Le Monde Illustré”, pour illustrer un article retraçant l’anecdote réelle suivante :

On le sait, le succès du feuilleton d’Eugène Sue avait été immense. Un certain Père Mauras, cabaretier malin (et poète à ses heures parait-il), ouvrit, dès 1844 (dès la fin de la parution du feuilleton dans « Le Journal des Débats »), rue aux Fèves précisément, un cabaret dont il reprit le nom romanesque de “Lapin Blanc”. Ce cabaret eut un certain succès, à la fois patrimonial et « marketing » pourrait-on dire aujourd’hui. Mais le Père Mauras fut exproprié en 1862 au moment des démolitions ordonnées par Haussmann (quasiment toutes les ruelles de l’Ile) et le Lapin Blanc disparut corps et bien. D’où l’article du 15 février 1862 et sa gravure que l’on trouve sur l’irremplaçable site Gallica/BnF. Marrant, non ?

On trouve d’autres infos complémentaires sur cette histoire du Père Mauras dans cet article fort pointu du blog de Bernard Vassor intitulé « Autour du Père Tanguy ».

Enfin, signalons une autre curiosité du même genre : ‘Les Mystères du Lapin Blanc, un des nombreux succédanées des Mystères de Paris fut écrit, en 1863, par un certain Jules Boulabert. On trouve le feuilleton sur le site Gallica/BnF, mais ce pauvre Boulabert, opportun mais sans doute trop opportuniste, n’eut pas le succès d’Eugène Sue et n’a qu’une fiche Wikisource malgré l’abondance de sa littérature !

Crédits photographiques : Capture d’écran épisode 1 – Gravure de l’édition Charles Gosselin : Collection personnelle. – Le Monde Illustré : achat BnF. – Les Mystères du Lapin Blanc : capture d’écran site Gallica/BnF

Et, ci-dessous, une petite dernière pour la route (qu’on trouve toujours sur Gallica) : l’illustration du premier tableau d’une des multiples adaptations théâtrales des Mystères de Paris. Ici, celle de 1887 d’un certain Ernest Blum. C’est amusant de voir que toutes ces illustrations se répondent

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