La Seine

La Seine est évidemment très présente dans Les Mystères de Paris :

– C’est une crue de la Seine, beaucoup moins canalisée qu’aujourd’hui, qui avait failli coûter la vie à Rodolphe, près du Cours la Reine dans l’épisode 4. Le niveau du fleuve pouvait varier en effet bien plus qu’aujourd’hui. La création ou l’élévation des quais, pendant tout le 19ème siècle, permit d’y remédier peu à peu.

– On sait aussi que l’enfance misérable de Fleur de Marie, quand elle était sous la coupe de La Chouette entre 4 et 10 ans, se passe au bord de la Seine. Elle mendie ou vend des sucres d’orge “car, dans le jour, la Chouette tenait sa boutique de lignes à pêcher sous le pont Notre-Dame…” et plus loin : “… La borgnesse m’envoyait mendier autour d’elle jusqu’à la nuit ; car le soir elle allait faire de la friture sur le Pont-Neuf” (chapitre 3 / épisode 1).

C’était sans doute de la vente ambulante, mais c’est intéressant de savoir qu’il y eut aussi des petites boutiques sur le Pont Neuf jusqu’en 1847, comme on le voit sur la gravure ci-dessous.

– Les miséreux dormaient bien souvent sous les ponts de la Seine (25 ponts à l’époque ; 37 aujourd’hui) et le Chourineur raconte, également dans le début du roman, combien il connaît les humides pierres de dessous des ponts. Il travaille par ailleurs comme “débardeur” au Quai Saint Paul : Non, ce n’est pas un T-shirt sans manche ! il décharge les bateaux qui apportaient le bois de chauffage dans Paris.

Quand on zoome tout au long de la Seine sur le Plan de Girard de 1840, on voit de nombreux ports de débarquement de marchandises : par exemple, le “Port au blé”, le “Port aux vins », le « Quai de Grève » avec sa grève, c’est à dire une plage de graviers, qui fut remplacée par un quai surélevé ; sur ce quai, près de l’Hôtel de Ville, on était “en grève”, c’est à dire qu’on cherchait un travail journalier ; puis on y “fit grève” : ce sens, mieux connue aujourd’hui, apparaît pendant ce 19ème siècle décidément frondeur.

On distingue aussi de nombreuses entrepôts, manufactures, chantiers, tout le long des berges de la Seine.

On voit enfin que la “Pompe Notre-Dame” existait encore, sur le pont du même nom, pour y puiser donc l’eau de la Seine dont on parlera dans cet article. La pompe Notre-Dame sera détruite en 1857 (la fameuse « Pompe de la Samaritaine », qui alimentait surtout le Louvre, avait, elle, été détruite dès 1813).

La Seine jouait un rôle économique très important encore tout au long du 19ème siècle :

– On y péchait, comme on vient de le lire.

– On y débarquait de nombreuses marchandises, à une époque où le commerce fluvial était très important (le transport ferroviaire naît tout juste, en 1837, date de l’inauguration de la première ligne ferroviaire, Le Pecq-Paris, comme on le sait déjà). La Seine servait aussi pour le déplacement des humains (on se souvient de l’”apparition” vécue par Frédéric Moreau, Quai Saint-Bernard, en 1840, dans L’Éducation Sentimentale de Gustave Flaubert). C’est par le fleuve qu’arrivèrent bien souvent aussi les “nourrices sur lieu”, venue principalement du Morvan pour nourrir les enfants des bourgeoises. J’en parlerai aussi ici.

– On la buvait, on buvait l’eau de la Seine ! Comme je l’ai raconté, à Paris, on buvait soit l’eau des nombreux puits, soit celle des sources extérieures qui arrivaient par des canaux, mais aussi celle de la Seine, donc, via ces pompes qui alimentaient des fontaines en ville. Il semble cependant que, déjà à cette époque, l’eau de la Seine soit filtrée, sommairement. L’eau était aussi distribuée par des porteurs d’eau. On a glissé quelques uns de ces « figurants » dans la série.

– On s’y baignait, pour se laver. Il existait un certain nombre de bains publics sur des structures flottantes, avant qu’ils ne soient remplacés par des bains-douches terrestres.

– On y lavait le linge, dans des bateaux-lavoirs. On voit ces bateaux-lavoirs dans les gravures et les premières photographies de la Seine. Les lessiveuses professionnelles et les parisiennes pauvres s’y retrouvaient. Le travail devait y être très dur, surtout en hiver. Le dernier bateaux-lavoir de Paris disparut en 1941.

J’emprunte cette photo émouvante d’un bateau-lavoir en 1839 ou 40 (au tout début de la photographie comme nous allons le voir bientôt) à John d’Orbigny. On trouve toujours sur FB sa remarquable publication sur « La lessive » à cette adresse : https://www.facebook.com/…/pcb…/2940868352666288/…

On peut lire aussi ce petit article illustré : https://www.histoires-de-paris.fr/lettre-38-mars-2021-regne-chahute-bateaux-lavoirs/

PS : Je rappelle aux grincheux et autres haters “saccage-Paris » qu’il y eut un autre temps, pas si lointain celui-ci, où les quais de la Seine étaient essentiellement réservés aux voitures, parkings et autres voies rapides. Pfff… !

Crédits photographiques : La belle gravure de la Seine qui fut pendant longtemps sur la Une du Journal “L’Illustration” (et que l’on a utilisé dans l’épisode 4) – Le Pont Neuf, dernière boutique ; collections personnelles – “La Pompe Notre Dame”, eau forte de Saffrey-Cadart ; copyright MAH-ville de Genève : à l’arrière on voit l’ancienne place du Châtelet, l’ancien Hôtel de Ville et la Tour Saint-Jacques – Un figurant de la série – Un bateau-lavoir devant le Louvre ; collection John d’Orbigny

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