La Guillotine

Nous voici au bout de notre parcours, à l‘épisode 39 !! On a étudié les prisons, les bagnes, l’argot des bas-fonds. Et voici, pour finir la thématique des châtiments (tiens, à ce propos, signalons que Dostoïevski était un grand admirateur d’Eugène Sue), la peine de mort !

Dans l’article sur la Place de la Concorde, nous nous sommes rappelés que c’est sur cette place que la guillotine a sévi pendant de nombreuses années, emportant les têtes de Louis XVI et de Marie-Antoinette, mais aussi celles de Danton, de Robespierre et tant d’autres, il y a 230 ans.

Avant l’invention de la guillotine, la peine de mort était généralement exécutée par pendaison et/ou par tortures : roue, bûcher, écartèlement et autres joyeusetés.

Les premiers débats contre la peine de mort eurent lieu dès 1791, menés par Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau. Tout noble qu’il était, Saint-Fargeau se rallia à la cause révolutionnaire comme on peut le lire sur sa fiche Wikipedia. Injustement, on ne connaît Saint-Fargeau aujourd’hui que par une station de métro peu fréquentée, ce qui fait un poil trivial vu l’importance du gars. Et tout cas, son projet de loi contre la peine de mort ne fut pas adopté, mais la torture, elle, fut abolie. C’était déjà ça !

C’est à ce moment que la guillotine entre en scène pour tous les condamnés à mort (sauf pour les militaires, fusillés par peloton d’exécution). Les premiers essais de son fonctionnement furent réalisés en avril 1792 sur des cadavres frais… également à l’hôpital Bicêtre ! Y assistent, entre autres, le docteur Antoine Louis qui avait conçu la guillotine (d’où parfois son surnom de “Louison”) et son confrère, le fameux docteur Joseph-Ignace Guillotin. Député du Tiers état, c’était ce dernier qui avait proposé l’idée d’un mode de mise à mort mécanique, sans torture préalable ni « douleur », et qui devait aussi, à terme, aboutir à l’abolition de la peine de mort. Son nom qui est passé à la postérité mais, contrairement à Madame Pipelet, Monsieur Guillotin en fut vraiment désolé vu l’usage immodéré que l’on fit, à certaines périodes, de son engin.

Donc, à partir de mai 1792, “Tout condamné à mort aura la tête tranchée”, et la première guillotine sera montée en place de Grève (place de l’Hôtel de ville), puis place du Carrousel, aux Tuileries, et déclarée “permanente”. Pour l’exécution de Louis XVI, en janvier 1793, elle est déplacée place de la Révolution (de la Concorde, comme on l’a vu. Elle est transférée ensuite sur la place de la Bastille, puis sur la place de la Nation où elle tourne à plein régime pendant la Terreur, puis de nouveau place de la Concorde en 1794. Après la Révolution, elle revient place de Grève.

A partir de 1832, pour se faire plus discrète, on l’installe à la périphérie de Paris, sur la place Saint Jacques, devant la Barrière Saint-Jacques. Elle est dressée (une douzaine d’heures d’installation, parait-il) une quarantaine de fois en 20 ans. On apprend plein de choses à ce sujet dans cet article très documenté !

Est-ce pour cela que cette place Saint-Jacques (où se tient le métro Saint-Jacques – rappelons que l’itinéraire de la ligne du Métro 6 épouse, comme celui de la 2, à peu près le tracé de l’ancien Mur des Fermiers Généraux et de ses barrières d’octroi) a toujours l’air triste, hier (rappelez-vous l’article sur Les Misérables) comme aujourd’hui :

En 1851, la guillotine est transférée devant la prison de la Petite Roquette, puis devant la prison de la Santé. Elle perdra son échafaud pour être installée à même le sol, afin que les exécutions soient moins visibles par la foule. On trouve encore, au coin de la rue de la Roquette et la rue de la Croix-Faubin, cinq pavés horizontaux qui marquaient l’emplacement au sol de l’échafaud.

C’est à Versailles que se déroulera la dernière exécution publique en 1939. Par la suite, on guillotinera aux aurores dans les cours des prisons, à la Santé, à la Petite-Roquette, aux Baumettes… C’est là qu’elle est utilisée pour la dernière fois, en 1977.

Et, c’est en 1981 que Robert Badinter fait voter l’abolition de la peine de mort en France.

L’histoire de la guillotine nous raconte donc celle de la peine de mot. Son abolition ne date pas d’hier comme on l’a vu. Après la Révolution, le sujet reviendra régulièrement au parlement, en 1822, en 1830, en 1848, etc. Comme on l’a vu régulièrement, les écrivains de cette époque, qui s’engageaient beaucoup politiquement, ne furent pas en reste sur le sujet, notamment Victor Hugo qui, en 1829, écrit contre Le Dernier Jour d’un condamné, charge contre la peine de mort.

En 1842/43, Eugène Sue dans Les Mystères de Paris en est également un adversaire et l’exprime plusieurs fois dans son livre. Il met cependant en scène la guillotine de façon très romanesque dans les derniers chapitres de son livre : C’est à la Barrière Saint Jacques, après une nuit de mi-carême, que Madame Martial et sa fille Calebasse (ça me fait toujours rire, ce surnom !) sont, après avoir été rasées, conduites de la prison de Bicêtre vers la guillotine de la porte Saint-Jacques :

Le mari de Madame Martial avait déjà subi la décapitation (dans l’épisode 24) et toute la famille en avait pâti. Même s’il brosse un portrait ultra sombre de cette famille de vauriens, Eugène Sue montre également que la misère engendre la misère : “Répétons-le sans cesse : la société songe à punir, jamais à prévenir le mal. Un criminel sera jeté au bagne pour sa vie… Un autre sera décapité… Ces condamnés laisseront de jeunes enfants… La société prendra-t-elle souci des orphelins ?… De ces orphelins, qu’elle a faits… en frappant leur père de mort civile, ou en lui coupant la tête ?…

Dans sa nouvelle préface, en 1832, du Dernier Jour d’un condamné, Hugo écrit : “Cette question de la peine de mort mûrit tous les jours. Avant peu, la société entière la résoudra comme nous.” Pas très visionnaire car il faudra 190 ans après Saint-Fargeau pour en finir, grâce à Robert Badinter ! Et les vielles/vieux comme moi se rappellent le tour de force politique que cela a été !

Alors, souvenons-nous de tous ces types formidables cités dans cet article… !

Crédits photographiques : Photographies VP de la sinistre Place Saint-Jacques et de la rue de la Roquette, avec en premier plan les cinq pierres où poser la guillotine (leur emplacement n’est cependant pas d’origine… mais c’est une autre histoire) et à l’arrière, l’ancien porche d’entrée de la prison de la Petite Roquette – Capture d’écran de l’épisode 39 à la Barrière Saint-Jacques.

PS : On trouve sur internet pas mal d’infos sur la guillotine et cet article doit également beaucoup à Wikipedia. Pour les anglophones, je signale cet article très complet : http://boisdejustice.com/History/History.html…

ULTIME PS : A la faveur de la réorganisation de ces textes pour ce blog, voici que cet article, publié, pas par hasard, un 14 juillet 2024 sur Facebook, se trouve être le dernier. Donc, schlac, coupez, c’est fini ! L’occasion pour moi de vous remercier de votre attention. Je ne sais pas si vous aurez tout lu, c’est quand même assez conséquent, faut être un peu monomaniaque comme moi ! Mais ce site peut aussi servir de base de données pour des étudiants. Peut-être que Eugène Sue sera un jour au programme scolaire… En tout cas, merci encore et n’hésitez pas à m’écrire pour me dire ce que vous en pensez et s’il y a des choses à corriger.

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