Eau et Gaz à tous les étages ?

Restons un moment encore devant le 17 rue du Temple pour un article éclairant à propos de… l’éclairage au 19ème siècle, évidemment !

Comme pour le chauffage des habitations d’aujourd’hui, plusieurs systèmes d’éclairage cohabitaient tout au long du 19ème siècle :

On trouve évidemment dans les maisons des bougeoirs, candélabres, chandeliers, lanternes munis de chandelles en suif (mèche tressée enveloppée de graisse animale malodorante) ou en résine, ou des bougies en cire (plus chères) ; mais également des lampes (ou “quinquets”) à l’huile (de colza, de chanvre, de baleine (ô, les pov’ baleines !) puis au pétrole (à partir de 1853) ou à essence (lampes “pigeon”). Précisons que messieurs Quinquet et Pigeon, et sans doute d’autres oubliés, sont des inventeurs. L’électricité (premiers essais en 1855) ne commence à se généraliser qu’à la fin du 19ème siècle.

Par exemple, chez Madame Pipelet, il y a “un quinquet, placé derrière un globe de verre rempli d’eau qui lui sert de réflecteur, (et qui) éclaire la loge”.

Pour l’éclairage des rues, avaient été rendues obligatoire, à partir de la deuxième partie du 17ème siècle, des lanternes garnies de chandelles placées, en principe, à l’extrémité de chaque rue. Au 18ème siècle, ces lanternes furent remplacées par de 2400 réverbères (c’est à dire munis de réflecteurs métalliques ou de miroirs) à huile suspendus en hauteur dans l’espace public. Puis, au début du 19ème siècle, est inventé par un certain Philippe Lebon un système d’éclairage au gaz. Celui-ci était fabriqué dans des usines à gaz (de houilles essentiellement) et distribué par 6 entreprises concessionnaires dans des canalisations souterraines.

Et c’est là qu’on retrouve notre Préfet Rambuteau, qui, avant Haussmann, commence à généraliser ce nouveau système. Il fera remplacer peu à peu les vieilles lanternes à huile par des réverbères (ou de simples becs de gaz) qui éclaireront efficacement les avenues de Paris, notamment les grandes allées des Champs Elysées, comme on l’a vu, et les Grands Boulevards, comme on le verra. La vie nocturne pouvait battre son plein !

Toutes ces lampes étaient allumées et/ou entretenues par des allumeurs professionnels, métier qui disparaîtra au moment où l’électricité et l’allumage à distance se généraliseront.

On trouve beaucoup de détails de toute cette petite, mais passionnante, histoire domestique dans le beau site de l’association Mege.

Mais aussi dans cet article « Fiat Lux » du site de la Mairie de Paris fort instructif.

Ou bien encore ici, sur ce merveilleux blog de ? à propos de la Rue Visconti.

Ci-joint trois captures d’écran des épisodes 1, 7 et 18, issues des gravures d’époque. Je pense que le maigre éclairage de la vieille rue aux Fèves est obtenu par une lampe à huile suspendue à un câble qui permet de descendre et remonter la lanterne ; alors que devant chez Madame Pipelet, au-dessus de Rodolphe, il s’agit sans doute déjà d’un réverbère à gaz ; et, bien plus sûrement, sur ce grand boulevard de l’épisode 18, on trouve un exemplaire, quoique assez modeste, d’un réverbère à gaz. La petite barre à gauche sert à poser une échelle pour l’entretien du bec de gaz. On en trouve encore dans Paris, sur le Pont Marie par exemple.

Ces deux sites intéressants ont collecté agréablement tous les modèles ouvragées de ces réverbères à bec de gaz qui datent de la seconde moitié du 19ème siècle : Paris Zig Zag et Histoires de Sciences.

De mon côté, j’aime bien que le passage Vandrezanne, dans le 13ème arrondissement de Paris, ait réhabilité un ancien modèle de réverbère avec déport (qui permettait d’installer l’échelle de l’allumeur) et que la ville de Périgueux utilise un faux-vieux système d’éclairage central, comme sur la gravure de l’ile de la Cité ci-dessus.

Tous ces modèles ont été évidemment transformés en éclairage électrique mais il parait qu’il reste un exemplaire de réverbère à gaz à Malakoff et j’apprends qu’à Berlin, il en existerait encore de nombreux.

J’aime bien aussi remarquer qu’existent encore, à Paris, au-dessus des portes de certains immeubles bourgeois, des petits becs de gaz (ont-ils un nom spécifique ?) qui devaient donner un peu d’éclairage extérieur à ces immeubles. Voici 2 exemplaires de ma propre petite collection :

Voilà pour une présentation synthétique de l’éclairage à Paris du temps des “Mystères de Paris”.

J’ai déjà parlé de l’eau à propos de l’eau de la Seine . Dans Paris, plusieurs sources (ah ah) d’approvisionnement cohabitaient également, comme aujourd’hui, d’ailleurs : avez-vous remarqué la différence d’eau du robinet entre certains quartiers ? Vous saurez pourquoi dans le livre amusant déjà cité intitulé « Atlas inutile de Paris » (voir l’article Les Sources – Ah ah ah !).

Un dernier mot peut-être sur les transformations domestiques de cette époque, dans un souci nouveau d’hygiénisme qui irrigue – eh eh eh, décidément ! – tout le 19ème siècle :

Nous l’avons dit, dans les années 1830-1840, face à la densité élevée de la population du centre de Paris, Rambuteau va modifier le tracé de certaines ruelles insalubres, créer des fontaines et moderniser le système d’évacuation des eaux usées : Les caniveaux au centre des rues, qui rendaient les rues très sales, disparaissent et l’on crée des trottoirs le long desquels s’écoulent des eaux usées. Le réseau d’égouts s’intensifie. Qui a lu Les Misérables sait que certains égouts existaient déjà. Mais c’est donc d’abord Rambuteau, puis surtout Eugène Belgrand, ingénieur nommé par Eugène Haussmann, qui les moderniseront.

Quant aux poubelles, il faudra attendre le préfet Eugène (encore !) Poubelle (encore !) pour les rendre obligatoires en 1893.

Bref, lumière, eau, gaz… mais pas jusque dans les étages au 19ème siècle !

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