La série en animation : générique et secrets de fabrication

Il est temps désormais d’évoquer notre série en gravures animées !

J’avais déjà commencé dans l’article « Qui parle ? » puis dans « Eugène Sue en exil à Annecy ». Je continue : je tiens à dire quelques mots sur les métiers de l’animation et ainsi, et surtout, remercier toutes les personnes qui ont oeuvré sur la série Les Mystères de Paris.

Si ça peut intéresser quelques étudiants en cinéma, voici d’abord le processus de fabrication : J’ai déjà raconté aussi la rencontre des deux Matthieu : Matthieu Dubois, co-auteur graphique puis Mathieu Rolin, coproducteur, à Annecy, où nous avions “pitché” notre projet (= fait une présentation un peu marketing et chronométrée du projet). Par la suite, nous l’avons à nouveau présenté dans d’autres marchés professionnels, engrangeant quelques prix et soutiens financiers préliminaires (Agence Culturelle d’Alsace, INA, SACD, ORANGE…) qui nous ont permis de réaliser une bande annonce (ici) puis un épisode pilote (devenu les épisodes 1 et 2).

On montre ces films courts dès que l’on cherche du financement : dans les marchés professionnels (Cartoon Forum et autres), dans les chaines de télé, pour les demandes de subventions. Donc avant la « mise en production », on fait déjà un très gros travail de conception, de rédaction de dossiers, d’écriture et de réécriture de scénarios, de scans HD de gravures, d’essais graphiques de toutes sortes, de positionnement correct du projet (la fameuse « cible » d’âge demandée par les chaines !). Tout cela est financé aussi avec les moyens du bord (boulots alimentaires, crowdfunding…). Pour nous, cette période de préparation a été très longue (près de 8 ans), le projet n’était pas commun et n’avait pas, en l’occurrence, une cible jeunesse précise. Mais, nous (les deux Mathieu et moi) avons été pugnaces. Je dois dire aussi que le fait d’avoir les deux casquettes de productrice et réalisatrice a cet avantage : quand la productrice n’y croit plus, c’est la réalisatrice qui prend le relai, et vice versa.

La mise en production, c’est à dire la réalisation de la série n’intervient que quand on a obtenu des financements (à peu près) suffisants pour réaliser l’oeuvre entière. Les producteurs décident alors de faire le film. On dit souvent que « la production, c’est l’argent des autres ». En France, le mécanisme de production est assez bien organisé avec notamment le passage quasi obligé par l’organisme de tutelle : le CNC (= Centre National de la Cinématographie et de l’image animée). Celui-ci dépend du Ministère de la Culture mais est essentiellement financé, dans un cercle vertueux, par des taxes prélevées sur les télédiffuseurs (pour l’audiovisuel) ou sur les entrées salles (pour le cinéma).

Les aides du CNC sont souvent liées au fait d’avoir obtenu une chaine de télévision. Pour nous, c’est l’obtention d’un pré-achat de France 3 Ile-de-France, ainsi que du groupement des chaines du Grand Est, qui ont permis de déclencher enfin une subvention du CNC. (Arte, plusieurs fois sollicité, n’a jamais voulu de la série).

Il existe aussi d’autres organismes qui disposent de fonds d’aide et notamment les Régions. Leurs aides sont sélectives et soumises à la fabrication des projets sur leur territoire (afin que les subventions soient « réinjectées » sur place). Pour la série Les Mystères de Paris, ce furent les régions Nouvelle-Aquitaine et Grand Est qui, paradoxalement pour un tel titre, ont apporté des aides décisives en préparation puis en production. Celle-ci s’est donc faite en Grand Est (Amopix à Strasbourg) et en Nouvelle-Aquitaine (Miyu, à Angoulême). Merci les régions !

Il y a donc un mélange d’aides privées (chaines et autres organismes) et d’aides publiques (état, régions…). Pour le producteur, le budget prévisionnel ne doit pas dépasser le financement reçu pour éviter la faillite ou des dépenses propres.

En ce qui concerne la fabrication, on commence par le « storyboard » ou directement par “l’animatique”, c’est à dire une sorte de brouillon de l’animation, avec le “posing” (= poses-clés) des personnages. En amont ou pendant ce temps, des techniciens-animateurs travaillent sur tous les éléments qui vont être nécessaires à l’animation : la préparation des personnages (découpés avec une palette graphique), des décors et accessoires, le “set-up” et le “rig” (la création et la programmation de toutes articulations) des personnages. Tous ces éléments sont centralisés dans une banque de données qu’utiliseront les animateurs dans leurs logiciels d’animation (After Effect, pour notre série).

En production, ça s’active aussi : calendriers de réalisation, devis, engagement des équipes, derniers financements, organisation du « pipe-line » (merci les adorables Clémence et Marion d’Amopix).

L’étape artistique qui m’a beaucoup plu a été celle de ces animatiques : c’est le moment le plus créatif où il faut trouver et tester plein d’idées de mise en scène, de mise en image. Je me souviens de semaines bouillonnantes et joyeuses.

Au son, pour ces animatiques, on enregistre une sorte de brouillon avec les dialogues de chaque épisode (avec sa propre voix) afin de déterminer la durée et le rythme de la mise en scène.

L’autre étape qui m’a bien enthousiasmé a été l’enregistrement en studio des voix définitives avec les comédiens. Après les animatiques, on s’enferme pendant 12 jours dans un studio avec les comédiens choisis, un ingénieur du son, une directrice artistique. Ça bosse fort mais ça rigole bien et les personnages prennent vraiment vie.

Puis l’animation proprement dite va pouvoir commencer (environ 10 jours par épisode pour notre série, ce qui est très peu). 3 épisodes sont réalisés en même temps par 3 animateurs. Ces artistes-techniciens sont salariés permanents ou intermittents des studios d’animation qui interviennent sur le projet : Amopix, qui est aussi coproducteur délégué, et Miyu, producteur exécutif en Nouvelle-Aquitaine. (Les producteurs délégués sont responsables de la bonne fin du programme tandis que les producteurs exécutifs sont des entreprises prestataires engageant une certaine responsabilité mais pas celle du financement).

Après, il y a l’étape “compositing” (= harmonisation de l’image, notamment des lumières), puis celle d’“étalonnage” (= harmonisation des couleurs, ici du noir et blanc).

Il faut aussi préparer les génériques. Peu à peu les épisodes sont bouclés.

C’est alors qu’interviennent les magiciens du son : le “sound design” (= bruitage), la conception et le calage des musiques, le mixage. Bravo Arsène Roy, Christophe Berthaud, Antonin Léger.

Enfin, c’est la réalisation des PAD ( = prêt à diffuser) et la livraison aux chaines.

Voilà, j’espère que ce sommaire descriptif technique vous aura intéressé. C’est pour moi l’occasion de citer, grâce aux 5 cartons de générique ci-dessous, toutes les merveilleuses personnes qui ont travaillé sur cette série et tous les financeurs courageux qui nous ont suivis. J’ajoute aussi 2 photos prises dans les studios d’enregistrement Titrafilm avec la directrice artistique, mon amie Sylvia Conti, le fidèle et formidable ingénieur du son Antonin Léger, et les excellents comédiens Jérôme Keen (Rodolphe) et Philippe Lardaud (le narrateur) (qui a développé par ailleurs ce concept formidable que j’aime beaucoup et recommande). J’en cite quelques autres dans certains articles. Il faudrait les citer tous tellement ils étaient bien.

C’est aussi l’occasion de dire que la France est très innovante et active en cinéma d’animation. Il existe beaucoup de métiers autour de la fabrication des films d’animation, de nombreuses écoles pour apprendre ces métiers (hélas, pour la plupart payantes), de nombreuses régions concernées par ces pôles de fabrication, pas mal d’emplois à la clé. Je ne connaissais pas du tout ce milieu là, c’est intéressant, et quand on tombe sur les animateurs d’Amopix ou de Miyu, c’est formidable !

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