On arrive à l’épisode 5 ! Dans les choses curieuses découvertes lors de la lecture des Mystères de Paris, il y a la localisation du domicile de Rodolphe de Gerolstein, le héros : 17, allée des Veuves (17, comme 17 rue du Temple aussi, le domicile des Pipelet, comme on le lira bientôt ! ça devait être le chiffre préféré d’Eugène Sue !).
Rodolphe y a imaginé un faux cambriolage pour piéger le Maître d’Ecole et La Chouette, mais son coup est bien mal préparé et les deux malfrats sont plus rusés qu’il ne le croit. Ces péripéties vont cependant donner lieu à deux formidables scènes (épisodes 4 et 5 de la série) qui accrochent sérieusement le lecteur et témoignent du grand talent d’Eugène Sue !
Mais où était donc l’Allée des Veuves ?

Vous l’avez trouvée ? L’Allée des Veuves est l’ancien nom donné à l’Avenue Montaigne jusqu’en 1852. La rue est alors une allée bordée d’arbres et de cultures maraichères, avec assez peu de maisons. Elle n’a pas toujours été bien fréquentée : des veuves aux moeurs légères y trainent dans la journée, parait-il. Mais, au moment de l’écriture du livre (1842), il s’agit sans doute déjà d’une période charnière pour le quartier : en 1840, s’y est implanté une salle de bal, le “Bal Mabille”, avec un grand parc, qui va devenir un lieu branché. Le dandy qu’Eugène Sue à l’époque devait probablement s’y intéresser.
Quant aux Champs-Elysées tout proches, c’est “la promenade la plus à la mode de Paris” comme il l’écrit. Le roi Louis-Philippe, dont on parlera dans cet article y avait ordonné toutes sortes d’embellissements (éclairage au gaz, contre-allées, installation de cafés, de bals et de salles de spectacle). Au bout de l’avenue, il avait fait également terminer l’Arc de Triomphe (commencé en 1806 pour l’anniversaire de l’Empereur Napoléon 1er).
Le quartier des Champs-Elysées va s’urbaniser peu à peu par la suite mais n’avait donc rien à voir, en 1842, avec ce que nous connaissons aujourd’hui, surtout dans sa partie haute, même s’il était déjà connu et couru : on s’y montrait en carrosse ou à pied ; c’était le chemin pour aller au bois de Boulogne. Le début de La Curée (1871) d’Émile Zola, par exemple, même si c’est un peu plus tard dans le siècle, commence sur ce trajet où il fallait en être.

Mais revenons au roman d’Eugène Sue pour préciser que la maison de la rue des Veuves est, dans le livre, la maison secondaire du prince Rodolphe de Gérolstein dans Paris ; celui-ci habite également rue Plumet dans “un des plus grands hôtels du faubourg Saint-Germain”. La Rue Plumet, elle, a été rebaptisée Rue Oudinot en 1851, tandis qu’une autre Rue Plumet est désormais dans le 15ème arrondissement. Vous suivez ? Bon, c’est pas grave mais sachez enfin que la rue Plumet est aussi un décor des Misérables.
Pour la série, nous avons préféré simplifier les domiciles de Rodolphe en la seule maison de l’Allée des Veuves. D’autant plus qu’il n’y avait aucune gravure illustrant les maisons de Rodolphe dans les éditions illustrées utilisées. Alors, nous avons un peu triché en utilisant une autre gravure de l’édition Charles Gosselin, celle de l’hôtel particulier du Vicomte de Saint Rémy, rue de Chaillot, dans la partie qui s’appelle, depuis 1919, la rue Quentin-Bauchart, donc pas bien loin.

Décidément, je trouve assez intéressantes toutes ces histoires de nomenclature de rues. J’en parle régulièrement (pour les amateurs, suivre l’étiquette « Toponymes »). Pour les rues nommées ci-dessus, c’est moins signifiant mais, si tu aimes comme moi les noms de rues et leur histoire, je te recommande, cher lecteur, l’article de Wikipedia à ce sujet, qui est tout autant une petite révision de l’Histoire de France.
Crédits photographiques : Le plan de Girard en 1842, focus sur l’Allée des Veuves – Les Champs Elysées en 1867, gravure de Grandisre/Smeeton-Tilly, extrait des “Promenades de Paris” de l’illustre Adolphe Alphand, collection personnelle – Gravure de Staal/Lavoignat illustrant le chapitre “La Rue de Chaillot” (chapitre 10 de la 3ème partie qui donne lieu à mon épisode préféré, le 25)