Lu pour vous : « L’invention de Paris »

Je sors nettement de mon corpus 19ème siècle pour évoquer ce libre que j’aime beaucoup, L’invention de Paris, sous-titré “Il n’y a pas de pas perdus”, publié en 2002, édité par Le Seuil et réédité en poche chez Point. J’évoquerai assez souvent, dans ces articles, ce livre à la fois très savant et très personnel. Son auteur, l’écrivain et éditeur Eric Hazan, est hélas décédé en juin 2024.

A la réflexion je me demande si, avant la découverte de l’oeuvre d’Eugène Sue, ce ne serait pas cet ouvrage qui est à l’origine de mon travail d’adaptation des Mystères de Paris.

Quand je l’ai lu pour la première fois, il y a vingt ans, j’étais émerveillée par tant d’érudition mais aussi par le fait qu’Eric Hazan se réfère très souvent à des textes littéraires, avec de longues citations d’auteurs aimés : Balzac, Hugo, Baudelaire, Huysmans, Proust, Benjamin, Breton, et tant d’autres… et puis, bien sûr, Eugène Sue. Dans le dernier chapitre du livre, intitulé “Les belles images”, il évoque aussi de grands artistes visuels, tout autant admirés en commun : Marville, Manet, Courbet…

Loin de certains livres d’historiens, le livre d’Eric Hazan est donc, avant tout, un livre amoureux des arts ce qui n’est pas si fréquent. Ce livre, au carrefour de l’Histoire, de la géographie, de la littérature et des arts, m’a beaucoup inspirée.

Et, dans le sillage des grands artistes cités, Eric Hazan mène une réflexion sur la flânerie dans Paris, qui est également une de mes activités favorites et que j’évoque dans l’article suivant.

Enfin, en bon gauchiste qu’il est, Eric Hazan affectionne particulièrement le 19ème siècle et tous ses sursauts révolutionnaires qu’il documente dans le chapitre “Paris rouge”. D’où ses délicieuses et fréquentes piques contre Haussmann, artisan de la destruction d’un Paris populaire et frondeur, et que j’évoquerai rapidement/irrévérencieusement dans cet article.

Voici un extrait (page 14 de l’édition Point) du livre d’Hazan, en guise d’introduction aux articles qu’on trouvera plus tard sur les enceintes de Paris : “De la muraille de Philippe Auguste au boulevard périphérique, six enceintes se sont succédé en huit siècles (…). Le scénario est toujours le même. Une nouvelle enceinte vient d’être construite, elle est taillée large, elle réserve de l’espace libre autour du bâti existant. Mais rapidement, cet espace se couvre de constructions. Le terrain disponible à l’intérieur des murs se fait de plus en plus rare. Les habitations se serrent, se surélèvent, les parcelles se comblent, la densité croissante rend la vie difficile. Pendant ce temps, à l’extérieur du mur (…), il se construit des maisons avec des jardins et du bon air, dans les faubourgs. Lorsque la concentration devient intolérable, on démolit l’enceinte, on construit une nouvelle plus loin, les faubourgs sont absorbés dans la ville et le cycle recommence.”

Il suffit de regarder une carte de Paris pour voir la carte de ces différents “cycles”, notamment les derniers en date (Les Grands boulevards rive droite, bâtis sur l’enceinte Louis XIII ; Les lignes 2 et 6 du métro, serpentant presque entièrement sur l’ancien emplacement du Mur des Fermiers Généraux ; Les boulevards des Maréchaux, construits sur l’espace réservé à l’ancienne enceinte de Thiers, détruite en 1929). On parlera amplement de tout cela mais voici déjà

J’ajouterai que ce développement concentrique, très parisien (Londres, par exemple, n’offre pas cette configuration), donne à Paris cette caractéristique centrifuge qui en fait une ville à taille humaine, homogène, où il est si bon de flâner.

Crédits photographiques : La carte « Mystères de Paris » réalisée par Matthieu Dubois pour la série à partir du plan de Girard de 1840 et d’une carte IGN de la banlieue de 1847. Elle est en meilleure définition sur l’interface de ce site et vous pourrez zoomer dedans. On y voit clairement l’enceinte des Fermiers Généraux, celle de Thiers, et les traces des anciennes barrières (Charles V, Philippe Auguste). A ce sujet, je mets aussi un lien vers un article introductif fort intéressant du blog EauTerreFerAir).

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