Barrières, grisettes et lieux de fêtes !

J’ai déjà évoqué les barrières Montmartre, Saint-Denis et de Vincennes. Continuons : Dans le livre d’Eugène Sue, on passe aussi par d’autres barrières pour un certain nombre de trajets entre Paris et ses environs : la barrière des Batignolles pour aller chez les Martial au pont d’Asnières (épisode 27) et, presque à la fin du livre (épisode 39), il est aussi question de la barrière Saint-Jacques où la guillotine était en place à l’époque des Mystères de Paris. Il y aura même un article entier qui parlera de ça.

Et j’aimerais évoquer ici le personnage de la délicieuse Rigolette, habitante de la rue du Temple, qui, en véritable représentante de la grisette parisienne (définition très complète ici), va se promener le dimanche “aux barrières”, comme elle le raconte à Rodolphe dans l’épisode 14. C’est Amélie Deymier qui lui prête sa voix de façon idoine : franche, gaie, fiérote.

Aller se promener aux barrières, c’était aller à l’extérieur du Mur, dans les communes non encore annexées par Paris. Le vin et la nourriture y était moins chers, car non soumis à l’octroi (impôts sur les denrées) parisien. Il s’était alors développé dans certains quartiers des guinguettes, des salles de bals ou de spectacles qui faisaient le plein de parisiens endimanchés.

Dans Les Mystères de Paris, Rigolette dit à Rodolphe : “L’été, nous pourrons dîner très bien… mais très bien !… pour trois francs (…) à l’Ermitage-Montmartre, une demi-douzaine de contredanses ou de valses par là-dessus, et quelques courses sur les chevaux de bois… et ça vous fera vos cent sous, pas un liard de plus !“.

L’Ermitage-Montmartre, c’était à Pigalle. Le voici sur le Plan de Girard. On l’a vu sur une photo précédemment :

Dans les villages de Ménilmontant et de Belleville, il y avait aussi beaucoup de bals et de guinguettes, ainsi que dans le Sud de Paris : par exemple, c’est rigolo, la Rue de la Gaîté, elle aussi à cette époque au delà de la Barrière du Mont Parnasse sur la commune de Montrouge, tire son nom de cette implantation importante de lieux festifs. La rue est restée aujourd’hui un lieu de bars et de théâtres. Amateur du 14ème, la voici en 1840 :

Revenons au quartier de Pigalle-Montmartre qui a gardé trace également de ce mur des Fermiers Généraux en conservant de nombreux lieux où faire la fête : l’Ermitage-Montmartre n’existe plus mais plusieurs salles de spectacle se sont installées peu à peu le long des boulevards qui longent la ligne 2 du métro dont le tracé épouse celui de l’ancien mur. Rappelons que mur et barrières d’octroi furent détruits en 1860 et que Paris s’est agrandi en englobant les communes alentours. Qui lèvera le nez au dessus du 86 boulevard Rochechouart pourra s’en souvenir (il est heureux que ces inscriptions n’aient pas été effacées lors de ravalements) :

Enfin, toujours à propos de traces, avez-vous remarqué cette statue au bas de la rue du Faubourg du Temple, en face de celle de Frédéric Lemaître déjà évoqué ici, intitulée “La Grisette de 1830” ?

Les grisettes sont très présentes dans la littérature du 19ème siècle. J’en ai déjà parlé à propos de la condition féminine et aussi des Drames de Paris.

Crédits photographiques : Détails du plan de Girard (1840) – Photographies personnelles du 86 bld de Rochechouart et de la statue de la grisette

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